- U.R.S.S. - Histoire institutionnelle
- U.R.S.S. - Histoire institutionnelleLe système politique mis en place en 1917 s’est effondré en 1991. Mikhaïl Gorbatchev, devenu secrétaire général du comité central du Parti communiste de l’Union Soviétique en mars 1985 et président de l’U.R.S.S. en mars 1990, a démissionné de ses deux fonctions: en août 1991 de son poste de secrétaire général du P.C.U.S., parce que le parti avait disparu, en décembre 1991 de son poste de président de l’U.R.S.S., parce que l’U.R.S.S. n’existait plus. Ce mouvement s’est précipité en 1991, mais il avait été préparé par une lente évolution du système établi dans les années 1920-1930 et maintenu après la Seconde Guerre mondiale.Les cadres institutionnelsTrois types d’institutions liées les unes aux autres constituent le système politique soviétique: le parti, l’État (administration et soviets), les organisations sociales.Le partiLe «rôle dirigeant du parti» et le «centralisme démocratique» sont les deux principes fondamentaux qui gouvernent les missions et l’organisation interne du Parti communiste de l’Union soviétique.Le rôle dirigeant du partiLe rôle dirigeant du parti est un principe absolu; il n’a connu aucune exception bien que son contenu réel ait pu changer au cours des années.L’article 6 de la Constitution de 1977 donne au Parti communiste de l’Union soviétique, au sein du système politique, une place centrale: «Le Parti communiste de l’Union soviétique est la force qui dirige et oriente la société soviétique.»Au Xe congrès du parti en mars 1921, Lénine l’avait clairement affirmé lorsqu’à l’occasion du débat sur le rôle des syndicats et la démocratie il écrivait dans un «Avant-projet de résolution sur la déviation syndicaliste et anarchiste»: «Seul le parti politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire le Parti communiste, est en mesure de grouper, d’éduquer et d’organiser l’avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses, laquelle est seule en mesure de résister aux inévitables oscillations petites-bourgeoises de ces masses, aux inévitables traditions et récidives de l’étroitesse corporative ou des préjugés corporatifs dans le prolétariat, et de diriger toutes les activités du prolétariat, c’est-à-dire de le diriger politiquement et, par son intermédiaire, diriger toutes les masses laborieuses.»Quarante-sept ans plus tard, alors que les communistes tchécoslovaques reprochaient au parti d’avoir réalisé une concentration monopoliste du pouvoir et voulaient attribuer un rôle effectif à des organes représentatifs élus, le secrétaire général du P.C.U.S., Brejnev, réaffirmait la conception léniniste du rôle dirigeant du parti: «Seul le parti, armé de la théorie d’avant-garde, le marxisme-léninisme, déclarait-il dans un discours du 29 mars 1968, est capable de donner la solution juste aux problèmes, de définir avec exactitude les orientations principales les plus fondamentales du développement économique et social du pays. Seul le parti, soudé par l’unité de conception et d’action, possédant une grande expérience de l’activité politique et d’organisation, est capable d’orienter tout le travail d’édification du communisme vers le but fixé, de lui donner un caractère scientifiquement fondé et harmonieux. Seul le parti, étroitement lié aux masses des millions de travailleurs, est capable de rassembler les forces du peuple, la classe ouvrière, la paysannerie, les intellectuels pour résoudre avec succès les problèmes tant économiques que politiques.»Cette conception fondamentale du système politique, pour laquelle toutes les décisions politiques importantes doivent être prises par le Parti communiste, est fortement ancrée chez les dirigeants soviétiques. Son origine se trouve dans la conception du parti qu’exposait Lénine dès 1902 dans Que faire ? lorsqu’il faisait la différence essentielle entre l’«organisation des révolutionnaires» et l’«organisation des ouvriers». Tout le léninisme et par là même tout le système soviétique reposent sur cette distinction entre le parti, qui a le droit de détenir le pouvoir parce qu’il connaît les «lois de l’histoire», et les autres organes qui ne peuvent représenter cette vue à long terme. Il en résulte que, même si le parti doit chercher, par la persuasion surtout mais parfois par la coercition, à faire accepter son point de vue, c’est bien lui qui détient la réalité du pouvoir suprême; mais pouvoir «suprême» n’est pas pouvoir «absolu». Le parti vit dans un environnement qui est la société soviétique et, à travers elle, la société internationale. Ce n’est pas un système figé, clos, mais un système sensible aux influences de cet environnement, et il faut bien se rendre compte que, si le parti est l’ossature de systèmes politiques, il n’en est pas le seul élément. L’administration, les soviets, les syndicats, les associations constituent entre le parti et les citoyens autant de relais («courroies de transmission»), mais qui sont en même temps des centres d’influence s’exerçant sur le parti.À tous les niveaux, le rôle dirigeant du parti pose le problème, permanent, des rapports entre, d’un côté, le parti et, de l’autre, les organismes administratifs et économiques et les représentations populaires. Le principe avait été posé par le VIIIe congrès en 1919: «Le parti doit mettre ses décisions en application par l’intermédiaire des organes soviétiques, dans le cadre de la constitution soviétique. Le parti doit s’appliquer à diriger l’activité des soviets mais ne doit pas se substituer à eux.»Mais, très difficile à mettre en application, ce principe est constamment rappelé. Ainsi, dès sa prise de fonction en qualité de secrétaire général du comité central en février 1984, K. V. Tchernenko déclarait que la «séparation nette des fonctions des comités du parti et des tâches des organes d’État et des organes économiques, l’élimination de la duplication dans leurs activités [...] est un grand problème politique [...]. Pour les comités du parti, s’occuper de l’économie signifie avant tout s’occuper des gens dirigeant l’économie.» Les organisations du parti sont tenues pour responsables de la situation dans leur circonscription. Elles doivent donc intervenir et, si elles s’en abstiennent, elles seront accusées de ne pas exercer leur rôle dirigeant. Mais si elles interviennent trop, on leur reprochera d’«intervenir dans les détails», de «substituer aux organes des soviets et aux administrations économiques», d’«empêcher l’administration de prendre des initiatives». Le degré d’intervention des organes du parti dépend des problèmes et surtout des politiques qui sont menées aux différentes périodes. Ces politiques influent à leur tour sur l’organisation interne du parti.Le centralisme démocratiqueLe parti n’est pas un ensemble homogène d’éléments identiques. Il comprend en réalité trois catégories bien distinctes de membres et trois séries correspondantes d’organes:– les fonctionnaires du parti, qui occupent une fonction permanente dans l’appareil du parti, ossature de celui-ci;– les membres du parti qui occupent des fonctions de responsabilité dans les administrations et les organisations sociales et qui appartiennent à des organes collégiaux du parti (comités ou bureaux selon l’importance de leurs fonctions);– les adhérents, membres des organisations de base du parti et représentés auprès des organes de direction par les conférences locales et les congrès nationaux (fig. 1).Le centralisme démocratique, comme son nom l’indique, tend à concilier la centralisation et la démocratie. Il se définit par quatre caractères dont deux visent la démocratie: l’élection de tous les organismes dirigeants du parti, de la base au sommet, et les comptes rendus périodiques des organismes du parti devant leurs organisations; et deux autres caractères qui concernent la centralisation et la discipline: la soumission de la minorité à la majorité, la soumission des organismes inférieurs aux organismes supérieurs.En 1968, toujours au moment des événements de Tchécoslovaquie, Brejnev rappelait la nécessité de la discipline: «Ceux qui s’imaginent que la recommandation de Lénine sur la nécessité d’une discipline de fer à l’intérieur du parti n’a de l’importance que dans la période des actions révolutionnaires directes et perd de sa force au cours des transformations économiques, sociales, démocratiques se trompent lourdement. L’expérience prouve de manière irréfutable qu’une discipline forte et consciente est nécessaire au parti à la fois lorsqu’il conduit les masses à la révolution et lorsque, à la tête des masses, il lutte pour la création de la société socialiste, et également à la période de construction en grand du communisme.»Les règles de fonctionnement interne du parti sont encore largement inspirées de celles qui ont été fixées par son Xe congrès en 1921 et par le comité central dans la période 1927-1928. La liberté d’opinions et l’expression des divergences y sont soumises à des règles strictes. Le parti, depuis 1921, condamne le «fractionnisme», défini comme la formation de groupes ayant des programmes particuliers et une tendance à avoir leur propre discipline. En cas de conflits fondamentaux et persistants sur les orientations politiques, le parti a longtemps procédé à l’exclusion de «groupes anti-parti», à l’époque stalinienne et encore après la mort de Staline lorsqu’en 1957 ont été exclus du bureau politique Malenkov, Molotov, Kaganovitch.Le principe du secret des délibérations du bureau politique, posé en 1929, n’a pas connu d’exception et empêche ainsi que les débats fondamentaux ne se déroulent au grand jour.Les procédures de désignation des dirigeants suivent le même processus. Tous les organes sont élus, et le scrutin pour la désignation de l’organe politique permanent du parti, le bureau politique, a lieu à plusieurs degrés et dans l’ordre suivant: organisations de base, conférence d’arrondissement et de ville, conférence de région, congrès du Parti communiste de la république fédérée, congrès du Parti communiste de l’U.R.S.S., comité central, bureau politique. Les modalités de l’élection à chaque niveau permettent un contrôle du niveau supérieur: les candidatures sont présentées et discutées publiquement et la liste des candidats est arrêtée par un scrutin public avant d’être soumise au scrutin secret. La désignation des secrétaires qui dirigent l’appareil du parti se fait au scrutin public.L’ÉtatL’autorité directe sur les citoyens est, en principe, exercée par l’État et non par le parti, mais la notion d’État recouvre deux types d’institutions différentes: l’administration et les soviets.L’U.R.S.S. est un État multinational et à ce titre est organisée selon le régime fédéral.Le fédéralismeComme le rôle dirigeant du parti, le fédéralisme pour l’État trouve sa source dans les conceptions léninistes. Lénine faisait la distinction entre le droit pour les nations de se séparer librement et l’utilité pour telle ou telle nation de se séparer à tel ou tel moment, qui est apprécié par le parti. L’existence du fédéralisme est le symbole de cette dichotomie: l’État est fédéral alors que le parti reste unique et centralisé.À l’instar des autres États fédéraux, le fédéralisme soviétique connaît une répartition des compétences entre l’État fédéral et les États fédérés et une participation de ces États fédérés au pouvoir fédéral, mais il s’en distingue par le fait que le pouvoir fédéral peut étendre librement ses compétences: il n’existe, en effet, aucun mécanisme de contrôle juridictionnel qui limite cette extension. La Constitution (art. 14) définit la compétence de l’Union des républiques socialistes soviétiques et laisse (art. 15) aux républiques fédérées la compétence dans les autres domaines.Tous les secteurs fondamentaux en matière économique et politique sont de la compétence des organes fédéraux ou de la compétence commune de l’U.R.S.S. et des républiques. La tendance, à partir des années 1955-1956, a cependant été d’augmenter surtout les compétences communes. La réforme économique de 1965 a établi des ministères fédéraux dans les branches des industries de défense et des constructions mécaniques et des ministères mixtes fédéraux-républicains dans les autres branches. Les ministères fédéraux-républicains de l’Intérieur et de la Justice, qui avaient été supprimés dans les années 1960 lorsque Khrouchtchev avait remis à l’honneur la thèse du dépérissement de l’État, ont été rétablis respectivement en 1966 et en 1970.Le désir d’accroître l’intégration a connu une expression constitutionnelle nouvelle en 1977. Plus encore qu’en 1936, la nouvelle Constitution met l’accent sur l’unité: «L’U.R.S.S. incarne l’unité étatique du peuple soviétique, rassemble toutes les nations et ethnies en vue d’édifier en commun le communisme» (art. 70, al. 2). La Constitution introduit aussi la notion de peuple soviétique, qui transcende les catégories sociales et les nationalités, mais elle laisse subsister le fédéralisme, tout en accordant, dans le cadre d’une centralisation des principales fonctions de l’État, des pouvoirs économiques plus larges aux républiques.Le problème national est un problème permanent de l’U.R.S.S. Comment faire coexister 125 millions d’Ukrainiens, Biélorusses, Géorgiens, Arméniens, etc., avec 137 millions de Russes, atténuer les tensions et assurer l’unité? Le phénomène nouveau des années soixante-dix est la progression plus rapide du taux de natalité en Asie centrale qu’en Russie même, ce qui risque d’entraîner un renversement des équilibres. Les mesures prises par les dirigeants restent dans le cadre de la même politique: contrôle central des limites du pouvoir laissé aux républiques, privilèges économiques pour contrebalancer les contrôles politiques. Mais il est difficile de tirer de la situation actuelle des certitudes quant à l’avenir. L’extrapolation des données actuelles ne tient pas compte des réactions possibles du système. Le pouvoir central conserve d’importants moyens politiques et culturels d’intégration et rien ne permet d’affirmer que le taux de croissance des républiques d’Asie centrale continuera à augmenter au même rythme, ni que, en jouant sur des domaines comme le travail des femmes ou les conditions de logement, le pouvoir ne réussira pas à prendre des mesures d’incitation à un nouvel essor de la natalité en Russie.L’administrationÀ chaque niveau, l’administration est dirigée par le Conseil des ministres ou le comité exécutif du soviet local. La hiérarchie administrative comprend l’administration fédérale, les administrations des républiques fédérées, qui sont les organes centraux et républicains de l’administration, et l’administration des régions, arrondissements, villes, villages, qui en sont les «organes locaux».Des services sectoriels dirigent une branche de l’administration économique, sociale, culturelle ou politique dans un cadre territorial déterminé et, dans tous les secteurs de l’administration, des services fonctionnels s’occupent de problèmes particuliers (par exemple la planification, les salaires). Les ministères sont des services sectoriels. Ils se divisent en ministères fédéraux et ministères fédéraux-républicains. Les premiers ont une autorité directe sur les entreprises et les organisations qui leur sont subordonnées, quelle que soit leur localisation; les seconds n’ont une autorité directe que sur les entreprises et organisations d’importance fédérale et dirigent les autres entreprises et organisations subordonnées au ministère par l’intermédiaire des ministères fédéraux-républicains correspondants dans les républiques fédérées.Les comités d’État du Conseil des ministres de l’U.R.S.S. sont des services spécialisés qui peuvent comme les ministères être fédéraux (Comité d’État pour la science et la technique, Comité d’État pour les relations économiques extérieures) ou fédéraux-républicains (Comité d’État du plan, Comité d’État pour la construction, Comité d’État pour l’approvisionnement matériel et technique). Leur liste est donnée par l’article 70 de la Constitution. Leurs présidents sont membres du Conseil des ministres de l’U.R.S.S.Les sovietsOrganes représentatifs de l’ensemble de la population, les soviets (conseils) sont caractérisés par deux traits: d’abord les députés continuent d’exercer leur activité professionnelle et bon nombre d’entre eux sont des fonctionnaires, car il n’y a pas d’incompatibilité entre fonction administrative et appartenance à une assemblée représentative; ensuite leur procédure d’élection laisse à la direction du Parti communiste un rôle important dans la sélection de l’ensemble des candidats. Les députés aux soviets sont élus au suffrage universel, égal et direct, et au scrutin secret (art. 95 de la Constitution). Le scrutin est uninominal.Seuls les organes centraux, républicains, de régions et d’arrondissements des organisations sociales et les assemblées générales des ouvriers, des employés dans les unités de production ou les services administratifs ont le droit de présenter des candidats. En pratique, la présentation des candidatures se fait exclusivement par l’intermédiaire des assemblées générales de travailleurs qui discutent les candidatures qui leur sont présentées au nom des organisations sociales ou par des «groupes d’électeurs». Le choix du candidat de la circonscription est arrêté lors de la réunion de la «conférence pré-électorale de circonscription» par les représentants des organisations sociales et des collectifs de travailleurs de la circonscription. Les candidatures qui n’obtiennent pas le soutien de cette conférence sont retirées par les candidats eux-mêmes ou par les organisations qui les ont présentées.La législation électorale et les modèles de bulletins de vote permettent de présenter plusieurs candidats, mais la pratique est toujours celle du candidat unique. Plusieurs allusions à une multiplicité de candidatures dans quelques revues après 1965 sont restées sans écho. L’élection vise donc moins à faire choisir le député par les électeurs qu’à leur faire approuver le choix effectué et la politique du parti. Cette approbation s’exprime lors des réunions électorales et par le scrutin. La campagne électorale mobilise des millions de propagandistes qui expliquent aux électeurs que voter est un devoir patriotique. Ne pas aller voter risque d’être considéré comme une attitude dont il faudra peut-être rendre compte, et le pourcentage des abstentions est très faible: 1 p. 1 000 en moyenne. Au bureau de vote, il n’y a pas d’enveloppe. L’électeur choisit de mettre le bulletin de vote tel quel. Le passage par l’isoloir n’est pas obligatoire. Barrer le nom est une attitude exceptionnelle qu’on rencontre chez 20 à 25 électeurs sur 10 000. Les candidats aux élections aux soviets suprêmes de l’U.R.S.S. et des républiques fédérées et autonomes et aux soviets de région sont toujours élus. Ce n’est qu’aux échelons inférieurs des soviets, en particulier pour les soviets de village, qu’il arrive qu’une majorité d’électeurs d’une circonscription repousse le candidat présenté.Si les députés ont d’abord pour activité de participer aux sessions des soviets et, pour ceux qui en sont membres, à leurs commissions, ils sont surtout des intermédiaires entre la population et l’administration, qui doivent se préoccuper de la satisfaction par l’administration des demandes de leurs électeurs. Ils peuvent, pour ce faire, s’adresser directement aux administrations. La législation soviétique fixe à un mois le délai pour l’examen des propositions et demandes des députés et prescrit l’examen immédiat de celles qui n’exigent pas une étude ou une vérification supplémentaire. Les députés doivent expliquer aux électeurs les décisions prises par les soviets et rendre compte de leur activité aux électeurs. La plupart le font lors de réunions spécialement convoquées à cet effet.Le contrôle de l’administration fédérale est de la compétence du Soviet suprême de l’U.R.S.S., «organe supérieur du pouvoir d’État de l’U.R.S.S.». Mais ce soviet, composé de deux chambres, le soviet de l’Union et le soviet des nationalités, et de 1 500 députés (750 par chambre) se réunit peu et n’est pas un organe de travail. C’est à ses commissions et à son praesidium qu’incombe l’exercice du contrôle de l’administration fédérale. Le contrôle de l’administration de la république fédérée ou de la république autonome est assuré par le Soviet suprême de la république fédérée ou de la république autonome. Le contrôle de l’administration locale est assuré par les soviets locaux, «organes du pouvoir d’État dans les territoires, régions, régions autonomes, arrondissements autonomes, arrondissements, villes, villages».Le praesidium du Soviet suprême de l’U.R.S.S. a été présidé de 1977 à 1982 par L. Brejnev, secrétaire général du comité central du parti. Le Soviet suprême de l’U.R.S.S., qui avait laissé le poste vacant à la mort de L. Brejnev, a élu en juin 1983 le secrétaire général du comité central, I. Andropov, président du praesidium. Le praesidium comprend quinze vice-présidents qui sont les présidents des praesidiums des Soviets suprêmes des républiques fédérées, un premier vice-président, un secrétaire et vingt et un membres.Le Soviet suprême de l’U.R.S.S., qui se réunit seulement quelques jours par an, n’a qu’une activité très limitée. La Constitution de l’U.R.S.S. ne prévoit pour ses sessions ordinaires aucune date fixe de réunion, ni aucune durée maximale ou minimale. Depuis 1955, il est convoqué régulièrement en fin d’année pour adopter le budget (et, depuis 1957, le plan). Au début de chaque législature, il procède à l’élection de son praesidium et du Conseil des ministres, mais il s’agit là d’une procédure essentiellement formelle, le choix réel étant l’œuvre des organes centraux du parti. Les formes de désignation du chef de gouvernement n’ont pas été respectées en 1964: Khrouchtchev a été démis de ses fonctions sans que l’on juge nécessaire de convoquer le Soviet suprême, qui s’est réuni seulement deux mois plus tard en décembre, et a alors approuvé le décret du praesidium du 15 octobre 1964 acceptant la démission de Khrouchtchev de son poste de président du Conseil des ministres de l’U.R.S.S. et le remplaçant à ses fonctions par Kossyguine.Pendant longtemps, la principale forme d’activité du Soviet suprême de l’U.R.S.S. en matière législative a été la ratification des décrets promulgués par le praesidium. Depuis 1956, plusieurs projets de lois ont été inscrits à son ordre du jour: quatre au cours de la quatrième législature (1954-1958); dix-sept (dont neuf relatifs au système pénal et à la législation civile) pendant la cinquième législature (1958-1962), moins d’une dizaine dans chacune des législatures suivantes et, à la suite de l’adoption de la Constitution de 1977, près d’une vingtaine au cours de la dixième législature (1979-1983). Ces projets de lois, après discussion et commission et, pour certains d’entre eux, dans le pays, une fois définitivement arrêtés par le gouvernement, ne sont plus modifiés par le Soviet suprême: en séance, aucun amendement n’est jamais déposé et les textes sont toujours adoptés à l’unanimité. Il en est de même pour les projets de plan et de budget. Un plus grand nombre de décrets du praesidium ont été soumis à la ratification du Soviet suprême et, de temps à autre, le président du Conseil des ministres ou le ministre des Affaires étrangères ont présenté des rapports sur la politique étrangère.Prévue par l’article 117 de la Constitution, la procédure des questions orales ou écrites n’est pas utilisée. En revanche, il arrive que, lors des débats budgétaires ou législatifs, les ministres qui interviennent en séance répondent aux remarques formulées par les députés. Dans la pratique, la seule forme de contrôle exercée par les sessions du Soviet suprême réside dans la présentation par les commissions ou par quelques députés, lors des débats budgétaires ou des débats sur les projets de lois, de remarques critiques ou de suggestions dont l’assemblée invite le gouvernement à tenir compte.Les organisations socialesLes organisations sociales sont, comme l’administration, placées sous la direction du Parti communiste, mais leur organisation et leurs méthodes d’action sont différentes. Selon la définition soviétique, ce sont des «unions de citoyens soviétiques créées conformément à leurs intérêts par leur volonté, sur la base d’une adhésion volontaire et de l’autonomie de gestion, en vue de développer leur initiative et leur activité, orientée vers l’établissement du communisme».Les syndicats, le Komsomol (organisation de la jeunesse communiste), les coopératives (kolkhozes, coopératives de consommation, de construction d’immeubles), les associations (scientifiques; scientifiques et techniques; de vulgarisation scientifique; organisations de rationalisation et d’inventions; unions d’écrivains, d’artistes, de journalistes, de diffusion de la culture; associations sportives) constituent les principaux types d’organisations sociales.Alors que dans les pays occidentaux les syndicats ont pour rôle exclusif de défendre les intérêts des ouvriers, en U.R.S.S. ils sont en outre l’instrument du parti pour mettre en application sa politique économique et sociale. Dans une résolution du comité central du parti («Sur le rôle et les tâches des syndicats dans les conditions de la Nouvelle Politique économique», du 12 janvier 1922), Lénine montrait bien cette ambivalence des syndicats soviétiques: «D’un côté, leur tâche principale est de défendre les intérêts des masses laborieuses, dans le sens le plus immédiat et le plus précis du terme; d’un autre côté, ils ne peuvent, en qualité de participants du pouvoir d’État et de constructeurs de l’ensemble de l’économie nationale, renoncer à exercer une pression.» D’où le caractère contradictoire des obligations qui s’imposent à eux: agir par la persuasion, mais ne pas renoncer à prendre part à la contrainte; savoir s’adapter à la masse, mais ne pas flatter les préjugés et l’esprit arriéré des masses. Lénine en déduisait que les syndicats devaient posséder «un doigté spécial», mais aussi qu’il fallait, pour régler les conflits, les désaccords, les tensions qui découlent de ces oppositions, «une instance supérieure, jouissant d’une autorité suffisante», et cette instance ne peut évidemment être que le parti.Pendant longtemps, le rôle des syndicats a été surtout de servir de relais au parti pour l’exécution de ses décisions; aujourd’hui, l’évolution de la société soviétique vers une plus grande prise en considération des besoins des citoyens a modifié quelque peu leur possibilité d’exercer une influence dans la défense des intérêts des ouvriers.L’adaptation du systèmeLes changements intervenus dans la structure économique et sociale de l’U.R.S.S. (développement de l’économie, augmentation du nombre des ingénieurs et techniciens, élévation du niveau d’instruction) ainsi que dans les objectifs politiques ont entraîné des modifications dans quelques-uns des éléments du système politique: notamment dans le choix des hommes et des mécanismes d’adoption et d’application des décisions, ainsi que dans l’idéologie diffusée.Le choix des hommesLe «choix des cadres», c’est-à-dire le recrutement et la nomination des titulaires des principales fonctions dans l’appareil du parti, l’administration d’État, les syndicats, les associations, reste une fonction première du parti.Dans chaque circonscription territoriale (région, ville, arrondissement), le comité du parti continue à contrôler les nominations aux principales fonctions par la «nomenclature», c’est-à-dire la liste des fonctions qui sont sous la surveillance permanente de l’organe du parti. Dans la nomenclature du comité régional du parti figurent les dirigeants des institutions régionales, dans celle du comité de ville, les dirigeants des institutions de la ville, etc. Mais les modifications ont porté sur les critères de sélection, les modes de formation et les procédures d’affectation. Trois critères sont retenus pour la sélection des cadres: les qualités politiques, les capacités d’«organisation» et les compétences techniques. Depuis les années soixante, ce dernier critère a été davantage prix en considération.Le pourcentage des diplômés d’enseignement supérieur parmi les secrétaires des comités de région et de territoire et des comités centraux des partis des républiques fédérées est passé de 41,3 en 1947 à 99,8 en 1983. Pour les secrétaires des comités de ville et d’arrondissement, il est passé de 12,7 en 1947 à 99,9 en 1983. De même, parmi les présidents de comités exécutifs de soviets de région, le pourcentage des diplômés d’enseignement supérieur qui était de 27,8 en 1946 était de 99,4 en 1981 et, parmi les présidents des comités exécutifs des soviets de ville et d’arrondissement, il était de 7,3 en 1946 et 99,3 en 1981.Pour former ses cadres, le parti dispose d’un réseau d’établissements: Académie des sciences sociales après le comité central et Écoles supérieures du parti, républicaines et interrégionales. L’Académie de l’économie nationale forme les cadres supérieurs de l’administration.Même lorsqu’elle donne lieu à une élection, l’affectation des cadres reste un processus essentiellement administratif. La nomenclature est une institution fondamentale du système politique. Mais, d’une part, pour élargir le cercle des personnes qui décident des nominations figurant sur les nomenclatures, des «commissions des cadres» ont été établies auprès des comités du parti. D’autre part, dans son rapport au XXIVe congrès, en avril 1971, Brejnev a indiqué que «le comité central a appliqué avec esprit de suite sa ligne consistant à promouvoir des éléments locaux, les nominations à partir du centre n’ayant été appliquées qu’à titre exceptionnel», sans bien entendu supprimer le contrôle par le centre. En particulier, dans les républiques fédérées et autonomes, si le premier secrétaire du comité central du Parti communiste de la république est en principe un autochtone, en général le second secrétaire, chargé des questions de cadres, est presque toujours de nationalité russe.Au sein du parti, la tendance à choisir des diplômés d’enseignement supérieur pour les fonctions de responsabilité a été contrebalancée par une augmentation du pourcentage d’ouvriers. Ces modalités d’admission au parti ont été modifiées en 1966 de façon à les rendre plus difficiles: il faut désormais les recommandations de trois membres du parti ayant une ancienneté d’au moins cinq ans (au lieu de trois précédemment); les jeunes jusqu’à vingt-trois ans (au lieu de vingt) ne peuvent entrer au parti que par l’intermédiaire du Komsomol qui doit recommander la candidature (à la place de l’une des trois recommandations exigées).Le nombre des membres du parti (cf. tableau) a continué à croître, passant de 7 millions en 1956 à 12 millions en 1965-1966 et plus de 18 millions en 1983. Mais, parmi les candidats admis au parti, le pourcentage des ouvriers a augmenté, alors que diminuait quelque peu le pourcentage des ingénieurs et techniciens: 28,2 p. 100 pour 1961-1965, 26,4 p. 100 pour 1966-1970, 24,5 p. 100 pour 1971-1975, mais 25,4 p. 100 pour 1976-1980, 25,8 p. 100 en 1981 et 25,9 p. 100 en 1982. Pour l’ensemble du parti, l’évolution de la composition sociale est caractérisée par une certaine augmentation du pourcentage d’ouvriers (fig. 2).Mécanismes d’adoption et d’application des décisionsAprès la mort de Staline (1953), l’atmosphère a beaucoup changé. Les éliminations physiques ont cessé. Beria, en 1953, a été le dernier membre du bureau politique à être exécuté. En 1957, trois membres du bureau politique ont encore été exclus, mais depuis cette date les désaccords politiques n’ont été sanctionnés que par des démissions ou de simples non-renouvellements de fonctions. La direction, collégiale depuis la mort de Staline, a donné pendant quelques années la prééminence incontestable au premier secrétaire du comité central, Khrouchtchev, avant de redevenir collégiale, sous la direction, toutefois, d’un nouveau secrétaire général du parti, Brejnev.Le rôle de la police a diminué. La coercition n’est plus un moyen essentiel de gouvernement et, par contre coup, la participation à l’élaboration même de certaines décisions a été possible à l’aide de diverses techniques. Le parti et l’administration, tout en se réservant l’intégralité du pouvoir de décision, ont davantage recours à des consultations. Le comité central du parti a insisté à plusieurs reprises sur l’importance qu’il attachait à l’examen des propositions, demandes et réclamations des citoyens (en particulier dans ses décisions du 2 août 1958 «Sur les sérieuses insuffisances dans l’examen des lettres, des réclamations et des demandes des travailleurs», et de septembre 1967 «Sur l’amélioration de l’activité d’examen des lettres des travailleurs et d’organisation de leur réception»).La décision de septembre 1967 affirme que les lettres des travailleurs sont «une des formes les plus importantes d’affermissement et d’extension des liens du parti avec la population, de la participation de la population à l’administration des affaires de l’État, un moyen d’expression de l’opinion publique, une source d’information sur la vie du pays», et invite les comités du parti, les administrations, les organes des syndicats et du Komsomol «à considérer l’examen des lettres comme un des secteurs les plus importants de leur activité». Le comité central décide que les dirigeants des établissements et les responsables compétents pour prendre les décisions sur les problèmes faisant l’objet de propositions, demandes ou réclamations doivent participer personnellement à l’examen de celles-ci. Il invite les comités du parti «à assurer un contrôle permanent de l’examen sérieux et en temps utile des lettres dans les organisations du parti, des soviets, syndicales et économiques, à être exigeants à l’égard des dirigeants des entreprises, établissements et organisations et à punir sévèrement les personnes coupables d’attitude irrégulière à l’égard des lettres de travailleurs».Tout en restant très étroitement contrôlée, la presse joue un rôle plus important. Elle est placée sous la direction des organisations du parti et des organisations sociales. Elle a pour mission de diffuser l’idéologie et la politique du parti, d’informer et d’éduquer le lecteur soviétique conformément aux directives du parti. Elle a aussi une fonction de contrôle de l’administration, la publication de lettres de lecteurs critiquant le mauvais fonctionnement des services publics ou dénonçant les violations de la légalité et les enquêtes des journalistes sur les mêmes thèmes étant de nature à exercer une certaine influence.À côté de la presse du parti, qui a toujours un caractère plus officiel, les journaux des organisations sociales peuvent accorder une certaine place à des idées différentes de celles qui sont exposées dans la presse du parti. Mais ces possibilités d’expression restent extrêmement variables selon les périodes et les thèmes.L’équilibre entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas est sans cesse remis en cause. En particulier, les réactions des différents milieux (parti, administration, police, armée, etc.) et surtout des diverses tendances qui existent en leur sein modifient le «climat politique». La publication de certains articles entraîne, par ses répercussions en fonction de la situation politique, soit la possibilité de publier d’autres articles sur les mêmes thèmes, soit au contraire la cessation plus ou moins temporaire de toute discussion sur ces thèmes.Pour faire approuver l’activité des organes exécutifs et les projets les plus importants, mais aussi pour recueillir les critiques et les remarques, des consultations collectives sont organisées. Deux procédures sont utilisées à ces fins: les consultations des citoyens et les enquêtes.Des réunions sont organisées dans les entreprises pour entendre des rapports sur l’activité des administrations: administration de l’entreprise, comité exécutif des soviets locaux. Lorsque des projets de lois sont soumis à la discussion publique, de telles réunions sont également organisées.L’enquête a surtout été pratiquée pour étudier les problèmes des conditions de travail des ouvriers, leurs conditions de vie, les problèmes des jeunes. Ces enquêtes permettent de déceler des faits auxquels l’administration pourra tenter de trouver remède.Les soviets et surtout leurs commissions ont été davantage consultés. Au Soviet suprême de l’U.R.S.S., le nombre des commissions permanentes a été augmenté. Dans les soviets suprêmes des républiques fédérées, au lieu des trois commissions permanentes qui existaient en 1957, fonctionnent aujourd’hui de neuf à dix-sept commissions selon les républiques. Le nombre des commissions permanentes des soviets locaux est passé de 250 000 en 1961 à 330 000 en 1983, comptant plus de 2 500 000 personnes dont 1 800 000 députés. Mais, même si les discussions sont plus nombreuses, les choix fondamentaux restent faits dans les organes du parti. Si la démocratie socialiste, préalablement aux réunions des dirigeants, permet une certaine participation à la base, elle ne va pas jusqu’à informer le public des options qui s’offrent à lui.
Encyclopédie Universelle. 2012.